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27/03/2010

Régionales : il manque un parti conservateur

23 Mars 2010 | Roland Hureaux

www.libertepolitique.com

La baisse sans précédent du taux de participation aux élections régionales de 2010, surtout au premier tour, n’exprime pas seulement le recul du civisme ou le dégoût des urnes. Il résulte aussi, pensons-nous, de l’insuffisance de l’offre politique. Bien qu’une bonne dizaine de listes se soient proposées au suffrage dans chacune des régions, un des principaux courants politiques français, voire le principal, n’était pas présent dans la compétition et cela seul suffit peut-être à expliquer l’abstention.

Le grand absent est le courant que l’on qualifiera de conservateur mais qu’on pourrait aussi bien appeler la droite modérée ou la droite « calme », voire les modérés tout court, avec tout ce que ce mot signifie de pondération, de mesure, de prudence, mais aussi de tenue et, pourquoi ne pas le dire ? de « force tranquille ».

Pourquoi ce courant est-il important ?

Parce que sous différentes formes, légitimisme, orléanisme, bonapartisme, républicanisme modéré (« La République sera conservatrice ou ne sera pas » – Gambetta), radicalisme apaisé, « indépendants et paysans » et même gaullisme, en particulier dans la version pompidolienne, ce courant gouverne le plus souvent la France depuis deux siècles.

Ensuite parce qu’on ne fait pas la révolution tous les jours. La plupart des révolutionnaires s’assagissent et l’esprit conservateur finit par imprégner tous les partis de gouvernement, même issus de la gauche. La vocation immémoriale du gouvernement n’est-elle pas de maintenir les institutions ? « Je maintiendrai » n’est pas seulement la devise du royaume des Pays-Bas, elle est la première mission de tous les pouvoirs. Être « calme » est un attribut antique de la souveraineté : ne parle-t-on pas de « calme olympien » ?

Or le courant conservateur, osons le dire, était absent des dernières élections ! La gauche a proposé une offre très diversifiée, celle de la droite s’est résumée pour l’essentiel à l’UMP et au Front national — deux formes de droite dont aucune n’incarne aujourd’hui la modération : d’un côté la droite excitée, ultra-réformatrice, qu’incarne Sarkozy et de l’autre cette autre forme de droite excitée qu’est l’extrême-droite.

En d’autres temps, la modération eut pu être représentée par le MoDem mais celui-ci a tant donné l’impression de rejoindre la gauche que les modérés ne se sont plus reconnus en lui. D’autant que la mouvance centriste est largement identifiée à la construction européenne, laquelle s’est transformée au fil des ans en une machine à produire sans cesse des réformes qui déstabilisent des institutions fondamentales, pas seulement les services publics.

Faute de trouver une option qui lui corresponde, une partie du bloc modéré, lequel représente sans doute bien plus que les 15 % d’abstentionnistes du premier tour, est restée chez elle.

Peu de réformes, mais des bonnes

On objectera que si la droite officielle, celle qui gouverne aujourd’hui, faisait droit à cette tendance conservatrice, la France s’enfoncerait dans la sclérose, se laisserait distancer dans l’« impitoyable » compétition internationale à laquelle notre pays est confrontée.

Cela n’est pas certain du tout. Les réformes vraiment nécessaires pour accroître la compétitivité internationale de la France sont en nombre limité : un encouragement intelligent à la création d’entreprise et à la recherche, un meilleur financement bancaire des PME (qui passe par une réforme des banques) et aussi la « TVA sociale », seul substitut à une sortie de l’euro.

Cette adaptation n’implique nullement de s’attaquer à la Constitution, à la commune, au département, au baccalauréat, aux grandes écoles, à la gendarmerie, aux grands corps de l’État, au juge d’instruction, au dimanche, soit à la plupart des repères fondamentaux des Français. Pas même non plus au statut de la fonction publique à condition qu’on sache contrôler les effectifs de fonctionnaires : quinze ans de « modernisation de l’État » n’ont rien fait pour empêcher la grave dérive des finances publiques, au contraire. La sécurité est certes un objectif difficile mais elle ne passe sûrement pas par le réforme de la carte judiciaire, ni l’amélioration de l’enseignement par le « lycée à la carte ».

Les vrais conservateurs savent qu’une bicyclette ne marche bien que si la partie mobile s’appuie sur un cadre fixe. Plus le cadre fixe est stable, plus il est possible de pédaler vite.

Pour améliorer la marche du pays, peu de réformes bien ciblées et allant au fond des choses suffisent. Elles ne doivent pas tout chambouler, seulement améliorer à la marge une société où tout n’est pas aussi mauvais et inefficace qu’on le dit, conforter et non saper les institutions.

Le rythme des réformes de la première partie du quinquennat et surtout leur caractère brouillon voire inutile ont donné le tournis aux conservateurs, nombreux dans ce pays, d’autant que le but de ce réformisme à l’accéléré semblait être moins l’amélioration des choses qu’une forme de communication sur le thème « nous avons un gouvernement volontaire », voire de fuite en avant.

Cette opinion modérée qui ne se reconnaît ni dans la gauche, ni dans l’extrême-droite ne s’est pas reconnue non plus, cette fois, dans le parti du Président : elle s’est retirée sur l’Aventin. Il est probable qu’elle y restera si, par-delà le réajustement ministériel, les méthodes de gouvernement, contraires non seulement aux traditions de la droite mais à la volonté de la majorité des Français et en définitive à la véritable efficacité, ne sont pas entièrement révisées.

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